Libération noie le poisson

Le 7 juillet, Libération nous démontre photos d'époque à l'appui, que Macron fait ce qui a toujours existé en termes de communication médiatique et serait même un banal voleur d’images présidentielles qui fait des bisous aux enfants, juste parce que ça marche. Nous avons droit à la photo de Giscard qui lève les bras (comme Macron). À Chirac qui prend un bain de jeunes de banlieue (comme Macron). À de Gaulle et Hollande pas sous leur parapluie (comme Macron). Etc., etc. Mais rien de la surface médiatique consacrée à Macron.

Oui, c'est bien ça, le président jupitérien reprend des classiques éprouvés, et la presse reprend lesdits classiques éprouvés. Le truc marcherait tout seul, quasi sans intervention humaine. Ce faisant Libération oublie à dessein de nous dire, que ce ne sont pas les accessoirement mises en scène des politiques qui sont nouvelles, mais la diffusion extraordinaire de ces photos mises en scène et autres articles consacrés à l'ami Macron, l'ami du petit déjeuner, mais aussi du déjeuner, du goûter, du dîner, et du souper. Matin, midi et soir nous avons le droit à notre pilule de Macron.

le nouveau président enfile avec aisance les habits de ses prédécesseurs, comme pour mieux souligner sa connaissance et son amour pour une fonction prise par surprise. Nicolas Mariot

Fonction prise par surprise, comme c'est beau. Fonction prise seul, cela va sans dire. Est-ce que par hasard, cet article ne viserait pas à nous faire croire qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, que les ficelles sont toujours les mêmes et que par conséquent ce sont les politiques qui communiquent, toujours de la même façon donc, pendant que les médias non coupables ne font que reprendre, bien obligés. Cette presse libre qui ne le serait pas.

L’Elysée en promenade a même revendiqué l’organisation d’un «pool image» pour la visite de la ferme. Une seule caméra filmerait pour tous. Nicolas Mariot

Et nos médias libres prennent ce qu'on leur donne. C'est simple le monde. Imaginez un mis en examen qui fournirait seul l'ensemble des éléments de l'enquête. Imaginez un enquêteur qui s'en contenterait, qui prendrait tout sans filtrer et pour argent comptant, s'en rien demander de plus. Dans le contexte du journalisme cela n'en serait pas, ce serait de la promotion.

Le plus drôle — enfin j'ai le sourire léger — c'est que l'auteur de l'article n'est pas un de ces médiacrates qui auraient un message déculpabilisant pour la corporation à faire passer, non, Nicolas Mariot est Historien et directeur de recherches au CNRS. Libération fait comme Médiapart qui invite des chercheurs pour leur faire dire ce qu'ils veulent entendre, la caution de l'académique, est bien meilleure que celle des surfaits experts (Mediapart live avec une erreur d'étiquetage, mon tout premier billet). Cet homme est probablement dans le temps long, il ne peut rien dire des derniers mois. Insidieusement et assurément à l'insu de son plein gré, il relaye le discours de la médiacratie : Macron s'est fait seul sans aucune aide des médias, il s'est fait seul avec juste son p'tit couteau. A ce train là nous aurons tout oublié très bientôt.